Heureux !…

Voici un texte de Saint Augustins sur les Béatitudes : C’est un commentaire des Béatitudes en Matthieu 5.

Une âme de pauvre

1, 3. Que dire alors ? Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, parce que le royaume des cieux est à eux (5, 3). Nous lisons dans l’Ecriture au sujet de ceux qui convoitent les biens de la terre : « Tout est vanité et présomption d’esprit » (Qo 1, 14). La présomption d’esprit signifie arrogance et orgueil. Vulgairement on dit d’un esprit qu’il est gonflé d’orgueil. Avec raison parce que le mot esprit vient de vent : « Feu, grêle, neige, glace, esprit de tempête », dit le psalmiste (148, 8). Qui ignore que l’on parle de l’enflure des orgueilleux, comme s’ils étaient gonflés de vent ? L’Apôtre ajoute : « La science enfle, mais la charité édifie » (1 Co 8, 1)

Aussi a-t-on raison d’entendre par pauvres en esprit, des hommes modestes, qui craignent Dieu, dépourvus de tout esprit d’enflure. Il n’est pas d’autre commencement à la béatitude, qui veut parvenir à la sagesse souveraine : « Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur » (Si 1, 16) ; l’orgueil est « le commencement de tout péché » (Si 10, 15). Que les orgueilleux convoitent et recherchent les royaumes de la terre, mais « heureux les pauvres par l’esprit, ils possèderont le royaume des cieux. »

Les doux

2, 4. « Heureux les doux car ils auront la terre en héritage. » (5, 4) La terre est, je pense, celle dont parle le psalmiste : « Tu es mon espérance, ma part dans la terre des vivants » (Ps 141, 6). Il indique donc une certaine solidité et stabilité de l’héritage éternel ; l’âme y trouve par la ferveur de son amour le lieu de son repos, comme le corps dans la terre ; elle en tire sa nourriture comme le corps de la terre : c’est le repos et la vie des saints. Les doux sont ceux qui cèdent aux injustices et ne résistent pas au mal, mais qui triomphent du mal par le bien. Qu’ils se querellent ceux qui n’ont pas la douceur, qu’ils se disputent les biens terrestres et passagers, mais heureux les doux parce qu’ils recevront la terre en héritage, dont ils ne pourront être dépouillés.

Ceux qui pleurent

2, 5. Heureux ceux qui pleurent parce qu’ils seront consolés (5, 5). Le deuil est la tristesse d’avoir perdu un être aimé. Ceux qui se convertissent à Dieu perdent les joies faciles de ce monde et ne trouvent plus aucune satisfaction dans ce qui les réjouissaient précédemment. Ils éprouvent une certaine tristesse, jusqu’à ce que les biens de Dieu soient devenus l’objet de leur amour. Ils seront consolés par l’Esprit-Saint, qui pour cette raison est appelé Paraclet, c’est-à-dire consolateur, de sorte qu’en perdant la joie passagère, ils goûtent celle qui est éternelle.

Ceux qui ont faim et soif

2, 6. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés (5, 6). Il parle de ceux qui sont épris du bien vrai et immuable. Ils seront donc rassasiés de cette nourriture dont le Seigneur a dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père » (Jn 4, 34), en quoi consiste la justice, et de cette eau dont il a dit lui-même que pour quiconque en boira, « elle deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn, 4, 14).

Les miséricordieux

2, 7. Heureux le miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (5, 7). Il appelle heureux ceux qui viennent au secours des misérables, parce qu’ils obtiendront en retour d’être délivrés de leur misère.

Les cœurs purs

2, 8. Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. (5, 8) Qu’ils sont donc insensés ceux qui cherchent Dieu avec les yeux du corps, alors qu’on le voit avec le cœur, comme il est écrit : « Dans la simplicité de cœur, cherchez-le » (Sg 1, 1). Le cœur pur, en effet, est le cœur simple ; et de même qu’il faut des yeux purs pour voir la lumière, ainsi pour voir Dieu faut-il que soit pur le regard qui permet de le contempler.

Les artisans de paix

2, 9. Heureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu (5, 9). La perfection et la paix excluent toute lutte. Les pacifiques sont fils de Dieu, parce qu’ils ne s’opposent pas à lui et qu’ils ressemblent à leur père. Ils trouvent la paix en eux-mêmes ceux qui maîtrisent toutes les pulsions intérieures et les soumettent à la raison, c’est-à-dire à l’intelligence et à l’esprit ; ceux qui domptent les convoitises de la chair deviennent le royaume de Dieu, où règnent l’ordre et la perfection, si bien que la partie supérieure et excellente de l’homme commande, sans rencontrer de résistance, celle qui nous est commune avec les animaux. L’intelligence et la raison restent soumises à une vérité plus grande, qui est la vérité même, le fils unique de Dieu. … Cette paix intérieure une fois établie et consolidée, quelles que soient les persécutions soulevées par celui qui a été jeté dehors, elles ne font que grandir la gloire en Dieu.

Rien ne peut ébranler l’édifice ; l’impuissance de tous les assauts montrent son inébranlable solidité. Ainsi Jésus poursuit : heureux ceux qui souffrent persécution à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux (5, 10).

Saint Augustin Explication du Sermon sur la montagne Ed Desclée de Brouwer Collection « Les Pères dans la foi » 1978

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