14 décembre : Saint Jean de la Croix

Voici une traduction du Cantique Spirituel de Jean de la Croix qui date de 1933 par le P Grégoire de St Joseph, Carme déchaussé.

Le Cantique spirituel

Strophes entre L’Âme et l’Époux

L’ÉPOUSE

Où vous êtes-vous caché,
O mon Bien-Aimé, et pourquoi m’avez-vous laissée dans les gémissements ?
Comme le cerf, vous avez fui
Après m’avoir blessée
Je suis sortie après vous en criant, pour vous rejoindre, mais vous étiez parti.

Pasteurs, vous qui passerez
Là-haut par les bergeries jusqu’au sommet de la colline,
Si par bonheur vous voyez
Celui que j’aime le plus,
Dites-lui que je languis, que je souffre et que je meurs.

Pour rechercher mon Bien-Aimé,
J’irai par ces monts et ces rivages,
Je ne cueillerai pas de fleurs,
Je ne redouterai point les bêtes féroces,
Et je passerai les forts et les frontières.

DEMANDE AUX CREATURES

O forêts, o bois touffus
Plantés par la main du Bien-Aimé,
O prairie verdoyante
Emaillée de fleurs,
Dites-moi si vous l’avez vu passer.

REPONSE DES CREATURES

C’est en répandant mille grâces
Qu’il est passé à la hâte par ces bocages.
Il les regardait,
Et de sa figure seule
Il les a laissés revêtus de beauté.

L’EPOUSE

Ah ! qui pourra me guérir !
Achevez de vous donner en toute vérité.
Ne m’envoyez plus
Désormais des messagers
Qui ne savent pas répondre à ce que je veux.

Tous ceux qui vont et viennent
Me racontent de vous mille beautés
Et ne font que me blesser davantage,
Mais ce qui est une mort pour moi,
C’est un je ne sais quoi qu’ils balbutient.

Mais comment peux-tu subsister,
O vie, puisque tu ne vis plus là où est ta vie ?
Lorsque tendent à te faire mourir
Les flèches que tu reçois
Des sentiments que tu formes en toi du Bien-Aimé !

Pourquoi donc avez-vous blessé
Ce cœur, et ne l’avez-vous pas guéri ?
Puisque vous me l’avez ravi,
Pourquoi le laissez-vous ainsi ?
Et n’emportez-vous pas le larcin que vous avez commis ?

Éteignez mes ennuis,
Puisque personne n’est capable de les dissiper.
Mais que mes yeux vous voient,
Puisque vous en êtes la lumière,
Ce n’est que pour vous que je veux m’en servir.

O fontaine cristalline,
Si sur vos surfaces argentées
Vous faisiez apparaître tout à coup
Les yeux tant désirés
Que je porte dessinés dans mon coeur !

Détournez-les, vos yeux, mon Bien-Aimé,
Voici que je prends mon vol.

L’EPOUX

Reviens, ma colombe,
Car le cerf blessé
Apparaît sur le sommet de la colline,
Attiré par l’air de ton vol qui le rafraîchit.

L’EPOUSE

Mon bien-Aimé est comme les montagnes,
Comme les vallées solitaires et boisées,
Comme les îles étrangères,
Comme les fleuves aux eaux bruyantes,
Comme le murmure des zéphires pleins d’amour.

Comme la nuit tranquille
Lorsque commence le lever de l’aurore,
Comme la musique silencieuse
Comme la solitude harmonieuse,
Comme le festin qui charme et remplit d’amour.

Notre lit est tout fleuri,
Entouré de cavernes de lions,
Tendu de pourpre,
Etabli dans la paix,
Couronné de mille boucliers d’or.

Sur la trace de vos pas
Les vierges courent le chemin ;
Le choc de l’étincelle,
Le vin apprêté
Leur fait exhaler un baume divin.

Dans le cellier intérieur
De mon Bien-Aimé j’ai bu ; et quand j’en sortis,
Dans toute cette plaine
Je ne connaissais plus rien,
Et je perdis le troupeau que je suivais précédemment.

Là il me donna son coeur,
Là il m’enseigna une science pleine de suavité,
Et moi je lui donnai en réalité
Tout ce qui est à moi, sans rien me réserver,
Là je lui promis d’êtres son Épouse.

Mon âme s’est employée
Ainsi que toutes mes richesses à son service ;
Désormais je ne garde plus de troupeau
Et je n’ai plus d’autre office :
Ma seule occupation est d’aimer…

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